Jeanne Maugrenier : 3e cor avec l'esprit d'aujourd'hui

« Jamais je ne ferai de musique, déjà pour ne pas faire comme Papa et Maman, tous les deux professeurs d’instruments. Moi, je veux être dehors ! » De Caen où elle est née, à Nevers où elle a grandi, la musique n’est pas arrivée comme une vocation dans la vie de Jeanne Maugrenier. Plutôt comme un plaisir évident. Si Jeanne ne voulait donc pas spécialement en faire un métier, elle a tout de même découvert très tôt les partitions, en entrant au Conservatoire de Nevers à l’âge de cinq ans, dans la classe d’éveil musical qui permet de tester une dizaine d’instruments. Elle choisira ensuite le cor…
L’idée d’une carrière de musicienne lui vient finalement l’année du bac. Elle prend alors le chemin des concours, qui la mèneront au Pôle supérieur de Paris Boulogne-Billancourt. « On est à la fois en cursus d’interprète et, en même temps, on suit une licence en musicologie en horaires aménagés. » Jeanne fera ensuite une licence et un master au CNSM de Lyon (dont une période en Erasmus en Allemagne), et partira faire un stage à Genève, jusqu’à l’été dernier.
La corniste a vingt cinq ans quand, en novembre 2021, elle passe le concours d’entrée de l’Orchestre de l’Opéra national de Paris. Un moment intimidant et stressant : les nombreux candidats s’échauffent chacun dans leur coin dans une immense salle, puis le tirage au sort décide du numéro que vous allez devenir pour les prochaines heures, déterminantes. On joue enfin les pièces répétées (Saint-Saens, Wagner, Beethoven, Mozart, Strauss…) derrière un paravent pour éviter toute discrimination. Surtout celle du sexisme : à une époque pas si lointaine, l’orchestre était interdit aux femmes. Jeanne note qu’il y a de plus en plus de filles dans la musique en général, dans les cuivres pour ce qui la concerne. Le cor, c’est le cuivre le plus féminisé. Mais, malgré un accueil qu’elle ne juge pas sexiste, quelques remarques persistent, le milieu n’échappant pas à ce travers de notre société. « Un danseur m’a dit, étonné : « Ah tu fais du cuivre ? C’est pas un instrument de mec, ça ? » - « Tu fais bien de la danse ! », lui répondra-t-elle ! Jeanne est toutefois confiante sur l’ouverture d’esprit à venir de son métier : « On est beaucoup de filles en études, on arrive petit-à-petit pour remplacer ceux qui partent à la retraite, on débarque. Chacun son tour ! »
C’est ainsi que Jeanne sera, à la fin de l’été dernier, la première femme en voie de titularisation à l’Opéra de Paris, et aussi la plus jeune du pupitre des cuivres. En attendant, entre les murs du Conservatoire où nous l’avons rencontrée, les souvenirs de ses formidables années de formation reviennent. « J’ai eu plein de professeurs différents, mais je leur dois tous énormément ! J'ai surtout une pensée pour Pierre Rougerie, mon professeur au Conservatoire de Nevers. On est beaucoup de cette école à rejoindre ensuite d’autres formations prestigieuses. C’est une chance dans mon parcours d’avoir eu accès très tôt à la pratique en orchestre, avec l’Orchestre symphonique de Nevers ! »
PS : Si le parcours de Jeanne Maugrenier anime en vous l’envie de faire de la musique, sachez que vous pouvez rejoindre le Conservatoire de Nevers tout au long de l’année !